En l’an 486, Clovis Ier, roi des Francs, remporte une bataille décisive contre Syagrius, gouverneur romain de Soissons. Comme il est de coutume à l’époque, les guerriers francs pillent et saccagent cette ville aujourd’hui située dans l’Aisne avant de rassembler leurs trouvailles. La tradition veut que le butin soit partagé à parts égales entre tous les hommes.
Clovis est à cette période un souverain païen et son armée met aussi à sac les églises qui se trouvent sur son chemin. Lors de leur passage dans le diocèse de Reims, ses hommes s’emparent de nombreux ornements religieux, dont un vase d’une beauté extraordinaire. L’évêque, déterminé à récupérer son bien, envoie un émissaire, implorant le roi de lui restituer son précieux vase. Bienveillant, le jeune monarque invite le religieux à assister au partage du butin à Soissons, où se trouve l’objet désiré.
Réunissant ses hommes, Clovis leur demande qu’en plus de sa part, ils lui lèguent le fameux vase afin de le rendre à son propriétaire. « Tout ce que nous voyons ici est à toi, glorieux roi » lui répondent-ils.
Tous, sauf un, qui au contraire, se dirige vers le vase et lui assène un coup de hache, en clamant « Tu ne recevras que ce que le sort t’attribueras vraiment ! » Le vase se brise et le silence s’installe. On guette la réaction du monarque. A la stupéfaction générale, Clovis ne prononce pas un mot. Il récupère l’objet fissuré et le restitue à l’évêque.
Quelques mois plus tard, l’armée franque est rassemblée au Champ de Mars. Le roi passe alors en revue ses troupes. Soudain, il s’arrête devant celui qui s’est jadis opposé à son autorité. Le regardant dans les yeux, Clovis lui fait remarquer le mauvais état de sa tenue et de ses armes. Il arrache des mains la hache du soldat et la jette à terre. Ce dernier se penche en avant pour la ramasser, mais avant même qu’il puisse relever la tête, le souverain lui fend le crâne avec son arme. « Ainsi as-tu traité le vase de Soissons. » conclut-t-il.
Considérée comme l’une des plus vieilles anecdotes de l’histoire de France, cet épisode représente bien plus qu’un simple règlement de comptes entre deux hommes légèrement virilisés. Le moment est marquant car à travers ce geste violent, Clovis impose une autorité nouvelle, verticale et sans partage. La volonté du souverain d’accomplir le souhait de l’évêque montre aussi son intérêt pour le christianisme, alors même qu’il n’est pas croyant.
Quelques années plus tard, Clovis est baptisé à Reims et pose les prémices d’une alliance durable entre l’Eglise et le royaume de France, chrétien pour les 13 siècles à venir.
Il est pas frais mon Soissons ?
Clovis Ier (466 – 511) est un roi franc. Roi des Francs saliens, il devient grâce à ses conquêtes militaires Roi de tous les Francs à partir de 481. Considéré comme l’un des personnages les plus importants de l’histoire de France, il joue un rôle central dans la création d’une identité et d’un récit français. Issu de la dynastie des Mérovingiens, son autorité et sa conversion au christianisme incarnent un royaume de France libéré du joug de l’empire romain.