Agbogbloshie 

Sous un soleil tyrannique
Là où les rapaces et les mouches cohabitent
Là où le pestilentiel et les immondices sont systématiques
Se trouvent des terres perverties sur la côte ouest de l’Afrique

Ici la fumée noire est récurrente
Elle s’élève vers le ciel avec une grâce répugnante
Se glisse dans les poumons, s’immisce dans une crasse écumante

L’eau est souillée, l’air est vicié et la terre est polluée
Les éléments otages des vices de notre humanité

Parsemé de monticules de détritus, le sol est boueux et on le foule à pieds nus
Il est jonché de particules de pourritures, de câbles douteux et de boules de papier cul
Des vieux claviers d’ordinateurs côtoient un paysage peu flatteur
On y brûle du platine et des processeurs
On y hume un mélange d’acide et de chaleur

Kweku travaille là, au coeur de la misère et des déchets
Au milieu des cartes mères sur le site d’Agbobloshie
Il connait par coeur cette terre et ses excès
Cette eau croupie où il n’observe même plus son reflet
Car il y apercevrait un homme dont les ulcères ont rendu gringalet

Il parcourt chaque jour un cloaque où règne l’obsolescence
Où les puissants comme nous peignent leur opulence
Sans vergogne, sans regret, souvent sans même savoir
Qu’en liquidant une pile pourrie on alimente un urinoir
Que balancer nos mobiles nourrit une fange noire

Le ciel y est plastique, les couleurs sont volcaniques
Refourgués et recrachés, voila où terminent nos électroniques
On y trouve des cables, des écrans, un vrai bric a brac
Des boombox, des enceintes et des airpod en vrac

Traversant cet espace à la recherche de la perle rare
Kweku finasse et scrute la crasse tel un charognard
Mais ce qui se tasse ici ce sont surtout des ordures et des terres rares
Dans cette décharge dégueulasse où l’on torture comme en Tartare

Puis lentement la nuit s’effondre sur la rouille
La noirceur des hommes se confond dans la pollution
Pendant qu’ici nous sommes devenus dépouilles
Plongés dans l’ether de nos surproductions

Affamés et condamnés à errer sur des cables USB
J’avais imaginé mieux comme destin pour l’humanité

Affalée et condamnée à scroller
J’avais imaginé plus glorieux comme dessein pour l’humanité